13/11/2017
Le mur des lamentations et le mur de la menterie
Le mur des lamentations à Jérusalem est largement connu, mais Moscou en a deux. En août 2015, le gouvernement approuva le concept de la politique de l'état pour perpétuer la mémoire des victimes de la répression politique. Fin octobre 2017, le président accompagné du patriarche inaugura le « Mur de la tribulation » à Moscou. Deux opinions informées à ce sujet, en version abrégée, sont présentées ci-dessous.
I
Je me suis instruit quelles étaient d'autres œuvres du sculpteur Frangulian, et j’ai constaté que parmi ses créations sont les monuments à Boris Eltsine à Moscou et Iekaterinbourg, à Iossif Brodski, Boulat Okoudjava et Egor Gaïdar à Moscou, à Isaac Babel à Odessa, et ainsi de suite. D'où sont évidents les idéaux politiques, sociaux, ethniques de ce sculpteur. Il est également clair que son nouveau monument continue la série d’œuvres pour glorifier certains et condamner les autres.
L'érection de ce monument a, comme on dit maintenant, beaucoup de connotations et envoie plusieurs signaux. L'un des signaux les plus inquiétants, à mon avis, c'est que ce bâtiment nommé « Mur de la tribulation » est un calque du fameux « Mur des Lamentations ». Apparemment, ce n'est pas un hasard, car c’est un calque aussi extérieurement. En fait, Frangulian n'a inventé rien de spécial comme un auteur. Pourquoi donc ce genre d'imitation ? Il est clair que le « Mur des Lamentations » à Jérusalem est un lieu de deuil pour tous les Juifs dans le monde en souvenir de la destruction de la Judée, la destruction du Temple de Salomon, le massacre de masse des Juifs par l'Empire romain. Il se trouve que pour Frangulian et ceux qui ont initié la création du monument du même nom à Moscou, toute la tragédie de ce vaste épisode dans la longue guerre civile en Russie, la dite persécution politique, n’est que le meurtre des seuls Juifs innocents. Il est clair que cela est absurde, que c'est une provocation. Il se peut même, que de l'extrémisme.
Le bâtiment appelé « Mur de la tribulation » n’attirera jamais l’homme russe, qui est affligé par la perte des gens comme les poètes Kluïev, Klytchkov, Ganine, Orechine ; des victimes des crimes que commettaient, par exemple, en Crimée et en Odessa, les aïeuls de ceux qui applaudissent maintenant au monument « Mur de la tribulation ». Valentin Kataev a décrit ces événements dans son roman. Mais non, le nouveau monument ne doit pas les rappeler. On veut faire valoir : c’est le premier monument national aux victimes des répressions politiques des années 30-50.
De cette manière, la période des années 20 est complètement coupée. Cependant, cette période était bien au-dessus des années 30 (que les libéraux ont mis en mythe) en tension, injustice, cruauté des répressions. Non seulement le « Mur de la tribulation » est une provocation et de l'extrémisme, il est aussi un mensonge, parce qu'en réalité, bien sûr, il n’y eut rien approchant la destruction délibérée, sélective ou spéciale des Juifs dans les années 30 en Union Soviétique.
Les représentants de cette magnifique et talentueuse ethnie travaillaient avec succès en fonction publique (Kaganovitch, Mehlis) et dans la culture. Rappelez-vous au moins la musique d’Isaak Dounaïevski. Est-ce qu’il mentait dans ses hymnes solaires jubilants, en ignorant la destruction de ses confrères ? Bien sûr que non, il ne mentait pas. On ment ici et maintenant.
Je voudrais bien que dans l'avenir, en ce qui concerne la construction des objets de ce genre, nos autorités, qui ont signé il y a deux ans, représentées par le président, un décret sur la construction de ce « Mur de la tribulation », parlaient au peuple tout de même. En fin de compte, selon la Constitution, le peuple est la source d'autorité.
Ivan Vichnevski
Source zavtra.ru
II
Je suis fortement négatif face à la construction de ce mur qui imite le « Mur des Lamentations » juive à Jérusalem. On entend par « répressions politiques » toutes les arrestations et tous les procès selon les articles 58e et 59e. Si on les regarde en détail, il y en a 27 articles. Parmi eux, le vol des avions militaires à l'étranger, la production de fausse monnaie, et ainsi de suite. Tous les condamnés en vertu d’eux, ce sont des « criminels politiques ».
Pire encore, pour une raison quelconque, parmi les « prisonniers politiques » comptent les gens de Bandera, de Vlasov, les Ukrainiens qui ont servi dans la division SS « Galicie », les Lettons qui ont servi dans les deux divisions SS, les Lettons qui ont brûlé le village biélorusse Khatyne, les policiers qui tourmentaient notre peuple sur le territoire occupé, et ainsi de suite. Et avec eux, de vrais espions et saboteurs.
Pour une raison quelconque, on enveloppe tout cela des mots « les répressions staliniennes ». Je suis tout à fait contre cela. Je suis contre aussi parce que sinon 80%, alors 75% des frappés de répressions - de ceux qui ont été arrêtés, jugés et ont porté un juste châtiment - étaient vraiment ennemis de notre pays et notre peuple. Par conséquent, en aucun cas, on ne peut abstraitement parler des prétendues « victimes innocentes des bourreaux avec les mains couvertes de sang jusqu’aux épaules ». Voici quelle est mon attitude à cette entreprise absurde.
En outre, je crois que l'aspect le plus indécent était la présence à la cérémonie du Patriarche, parce que l'Église n'a pas le droit d'interférer dans la politique, ce ne sont pas ses affaires. Le patriarche appela à l'apaisement, mais la création de ce mur est un appel à la division de la société. Ce mur divise à nouveau notre société en ceux qui sont fiers de notre passé et ceux qui le haïssent.*
Les faux démocrates cherchent à porter atteinte à notre grand passé, le traîner, une fois de plus, dans la boue, pour faire oublier que jadis nous étaient fiers de dire que nous sommes citoyens de l'Union Soviétique. Nous avions l’économie forte et l’armée puissante et l’amélioration du niveau de vie. Aujourd'hui, nous avons tout perdu, et on nous suggère de comparer notre vie quasi avec le XVIIe siècle.
Mais en persécution politique, la Russie tsariste était devancée de peu par le régime soviétique, à l'exception d'une brève période de 1937-1938 où nos partocrates - Khrouchev, Eiche, Ejov, qui sont considérés aujourd'hui comme victimes de la répression politique, justement effectuaient ces répressions. Par conséquent, en 1938-1939, ces premiers secrétaires ont reçu une juste condamnation.
Il faut créer un nouveau pays fort et puissant, plutôt que se battre avec le passé. Or, tout ce qu’on fait aujourd'hui, c’est la guerre insensée et folle au passé. On ne peut pas tuer le passé. Quel était-il, il restera tel toujours.
Enfin, les années 90 (dont on « ne doit pas parler » à présent), ce n'est pas le passé, malheureusement, c’est le présent. La contre-révolution rampante de 1991 à 1993, le coup de 1993 - l’octobre noir, lorsque les conspirateurs ont dispersé le Parlement, ont tiré sur lui et ont détruit la constitution - dans le monde entier, tout cela est considéré seulement comme un coup anti-étatique, anti-constitutionnel. Chez nous, tous ceux qui détiennent encore le pouvoir sont héritiers de cet événement terrible, mais personne n’en parle pas et ne condamne pas, bien que, du point de vue de la pratique internationale, ils doivent être soumis à l'arrestation et le procès comme criminels d'État.
Yuri Joukov, docteur en sciences historiques
Source nakanune.ru
*Ndt. En effet, cette apparition du patriarche mafieux, oligarque milliardaire et sodomite, à côté du président, marque l’unification ouverte du pouvoir politique et spirituel.
L’autre mur a été construit en 2001 à l'initiative du maire à proximité de la Synagogue chorale de Moscou. C’est un homologue réduit du célèbre mur de Jérusalem. Il représente une copie de la petite partie du mur occidental du Temple à Jérusalem.
Traduit par Olga (TdR)