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19/04/2016

Danse avec les fascistes

 

Lorsque la chaîne de télévision «Dojd» a lancé, il y a quelques années, un sondage d'opinion sur la pertinence de la défense de Leningrad assiégé, je sentais que la télévision a atteint le fond. Mais voici que dimanche dernier, on a frappé d'en bas.

 

Dans le talk-show populaire «Danse avec les stars», l'acteur Alexandre Petrov avec sa partenaire Anastasia Antelava dansaient le fox-trot. Et tout serait bon, mais l'acteur était en uniforme d'un officier de wehrmacht. La scène elle-même était de la série «Les fascistes, eux aussi, pleurent». Le sujet est comme suit: l'officier nazi avec le «schmeisser» à la main entre dans la maison en ruine et voit un piano survécu (bonjour Roman Polanski). Il sourit à quelque ses souvenirs, ouvre le couvercle, parcourt les touches des doigts et soudain remarque une fille qui se cache derrière l'instrument de musique. D'abord, il essaie de tirer, mais pour quelque raison manque de deux mètres. La logique narrative de la scène est boiteuse, mais cela ça n'inquiète déjà personne. L'étincelle d'amour enflamme les jeunes, la mitraillette n'est plus nécessaire (elle est placée sur le piano), et le couple commence à danser le fox-trot. La douce mélodie américaine (si, si!) se fait entendre, les amoureux tournent dans un tourbillon de danse, mais le bonheur est de courte durée. Un tir résonne, la fille frissonne et tombe dans les mains du héros noble, qui avait récemment «nettoyé» la ville des barbares slaves. Le coeur de fasciste est brisé, il crie, martèle le plafond du «schmeiser» et épuisé, se couche sur le sol à côté de sa bien-aimée. Rideau. Applaudissements.

 

Encore une fois. La chaîne fédérale. L'heure de grande écoute. Le show ayant l'auditoire de millions de spectateurs. Un fasciste amoureux. Applaudissements.

 

Eh bien, c'est frais, créatif! Mais pas au bon moment. Il fallait le montrer non pas à la veille de la Journée de l'astronautique, [du vol spatial de Gagarine], mais dimanche le 8 mai, à la veille de la Journée de la Victoire. Avec du piment, pour que les plus insensibles soient pénétrés.

 

Dans la dite histoire de longue  date, la chaîne «Dojd» fut soumise à un certain nombre de mesures tout à fait justes, aux sanctions, comme on dit maintenant. La chaîne de télévision fut privée de la licence de radiodiffusion par satellite. Attention à la question: quelle sera la réaction officielle au numéro de danse? C'est ça: aucune. Puisque tous sont égaux devant la loi, mais il y en a ceux qui sont plus égaux. L'essentiel est de rendre compte: les innocents sont punis, les non-participants récompensés.

 

À propos, au sujet des lois. Le Code de la Fédération de Russie des infractions administratives (chapitre 20, article 20.3) stipule que «la propagande ou manifestation publique de l'attirail ou symboles nazis <...> sont interdites par la loi fédérale». Mais la liste de symboles nazis est absente, donc, on ne peut qu’évoquer les précédents judiciaires. Par exemple, il y a un an, fut engagé le procès sur le fait de la vente de bustes et de soldats avec des symboles nazis dans le «Monde des enfants» sur la place Loubianka. Le directeur du magasin a reçu une admonestation. Mais une plaisanterie innocente comme une danse en uniforme d'un officier allemand de la Seconde Guerre mondiale, bien sûr, ne soit pas sujet de la force de loi. Bien que tous les attributs étaient là: l'uniforme, la cocarde, l’emblème d'un aigle sur le côté droit de l'uniforme.

 

Il faut comprendre comment ça marche. Tout d'abord, on égalise le fascisme et le stalinisme. Il y avait des camps ici et des camps là, des tirs ici et là. La campagne «le bolchevisme est égal au fascisme» n'a pas commencé hier, pendant déjà trente ans  on essaye de nous inculquer cette idée. Et puis, une substitution fantastique se produit, quand on retire les nazis de l'image du mal absolu. Suivez les mains. Oui, ils brûlaient les gens dans les villages, fusillaient, violaient, enterraient vivants, étouffaient dans des chambres à gaz, mais regardez, ils sont aussi des êtres humains, ils savent  souffrir, vivre, aimer. Qui jette le premier une pierre sur l'amour?

 

Le public progressiste n'a pas réagi à cette danse. Et n'attendez pas une réaction condamnatoire, il n'y aurait pas. Quand cela leur convient, ils disent «la boîte à zombier», mais dans ce cas-là,  ça soit un geste innocent des personnes libres des préjugés. Terpsichore s'attendrit.

 

Maintenant, imaginez un instant que l'acteur se présente en uniforme de l'officier de NKVD et danse avec une détenue de camp. Au même moment, sans que le couple ait le temps de faire les derniers pas, les meilleures personnes, en écumant et branlant les pellicules, clameraient le retour du stalinisme, la platitude et «KGB sanglant». Et ce serait un noble élan d'honneur, de conscience et la dignité. Pour notre et votre liberté!

 

Par ailleurs, la réaction du jury de ce show a amusé. Dans le jury sont les gens comme Stanislav Popov, président de l'Union de danse de la Russie, l'actrice Galina Beliaeva, le danseur de ballet Vladimir Derevianko, et Nikolaï Tsiskaridze, artiste du peuple de la Russie, membre du Conseil présidentiel pour la culture et les arts. Il était curieux de regarder comment les artistes émérites pirouettaient comme les cancres près du tableau noir. Les conclusions semblent se proposer, il est nécessaire de sauver la face et de sortir d'une situation épineuse. Tsiskaridze a souligné la danse: le gars a fait des progrès, dit-il, vous voyez qu'il danse beaucoup mieux. Popov a noté la technique et les figures de danse réussies. Beliaeva a critiqué l'affectation et l'excentricité délibérée. Mais personne - personne - n'a dit: qu'est-ce que tu fais le gars,  ton grand-père se retourne maintenant dans sa tombe.

 

Regrettable est Karen Chakhnazarov, dont le protégé est l’acteur Petrov. Karen Georgyevitch, qui avait filmé «L’étoile», «Le tigre blanc», «La route pour Berlin», restait plutôt silencieux, commentait la danse prudemment et avait l'air confus. Il cherchait quand même à faire bonne mine au mauvais jeu.

 

Prendre ceci pour un événement occasionnel, une polissonnerie innocente, surgie par la stupidité ou inadvertance, serait une grande erreur. Ce n'est pas une polissonnerie. Ce n'est pas par la stupidité. Tout est bien surveillé. C'est justement une vérification de la réaction: avaleront-ils ou pas? Oui, avalé. Bon, bien fait. Et si nous tournons un film sur un fasciste gentil? En effet, tous ne commettaient pas les atrocités! À même Chakhnazarov donc tourner le film. C'est donc l'art, des hypothèses y sont possibles, aussi bien que la farce, les circonstances supposées, voire la fiction. Et le ministère de la culture va nous donner de l'argent. Ce ne soit pas la première fois.

 

Tout cela représente les fenêtres d’Overton en marche. Ce n'est pas une histoire d'horreur, ni la théorie du complot. Cela se réalise à nos yeux, ici et maintenant.

 

Nous savons bien ce qu'est la convention artistique. Shtirlitz [agent de renseignement dans un grand ciné-roman soviétique] en uniforme d'un officier SS - c’est une convention, et un jeune du bataillon «Azov» faisant un geste de salutation nazie - c'est déjà une réalité.

 

La danse en uniforme de l'officier de la wehrmacht sur la chaîne fédérale n'est certainement pas de la propagande. C'est justement pour cracher sur l'âme, une insulte sale et brutale.

 

Est-ce pour la première fois, les insultes? On s'essuie. Mais le fait est que la danse fraie un passage direct vers le voyou avec le salut nazi. Les voyous pareils tuent les Russes à Donbass pour un seul fait d'être russes et vouloir parler leur langue maternelle. À ce même moment l'acteur glamour danse en uniforme d'un fasciste. Tout est bien. Le monde ne s'effondre pas. Déglutissons. Essuyons. Mais quel désir de mettre fin à cette saloperie!

 

Dimitry Philippov

 

Article original Planète russe

 

Traduit par Olga (TdR)