25/09/2019
Conte du tsar Saltan... et son secret
Avant-propos. Le conte que je connais depuis l’enfance, ne me disait rien. Juste un conte. Et tout à coup... j’ai commencé à voir – les motifs évidents liés à la Providence. Le motif du fils expulsé... La tisseuse et la cuisinière jouent sans doute le rôle des scribes et pharisiens envieux. Et le nom de la baba (mémé) Babarikha – ce son doublé fait écho au nom de Babylone. La princesse Cygne ! Signe. Le cygne au féminin qui parle en langue russe. Elle ressemble à la Sainte Rus’.
Et dans l’écureuil, le poète a caché lui-même ! Son nom de famille est associé à la fourrure, et aussi au canon, d’où les « noyaux de pure émeraude » – « noyau » et « boulet de canon » sont désignés en russe par le même mot. Les coques d’or que l’écureuil met « en piles égales », ce sont ses mots d’or. Et ces coques renferment les émeraudes que je viens de découvrir. Vraiment, j’ai eu le sentiment d’avoir trouvé un joyau.
L’émeraude... La garde, les trente-trois bogatyrs (les preux) avec le précepteur Euxin, doivent représenter l’Archange Michel, l’Archistratège, avec son armée céleste. Selon la légende, l’Archange Michel abattit avec son épée une émeraude de la couronne de Lucifer révolté, et de cette pierre, le Graal a été fait. [1]
Mise à jour, 21/10/2020. Quant à l’émeraude, la métaphore doit sous-entendre le livre ancien Izmaragd (émeraude), le recueil des homélies notamment de saint Jean Chrysostome.
« Au Prince, le profit, à l’écureuil, l’honneur. » Le poète, en raison de son origine et éducation, était dans sa jeunesse à la mode comme les autres nobles de son milieu,et même entra dans une loge maçonnique. Mais puis il a compris quelle était cette mode générale et l’a abandonnée. Cet « écureuil » de génie, qui s’est tourné vers le christianisme, serait capable d'apporter en Russie un gros profit au Prince céleste.
Les « sages » ont tué Pouchkine. [2, 3] Au XIX siècle, leur réseau satano-maçonnique était déjà solidement incorporé en Russie. L’opération était déguisée en « intrigue amoureuse ». L’ambassadeur néerlandais Heeckeren et son jeune partenaire d'Anthès étaient organisateurs et exécuteurs du crime. Les « frères » locaux leur assistaient, et aussi certaines femmes. Le tsar Nicolas Ier, au courant des machinations de Heeckeren, a promis au poète sa protection, mais son inaction fut une protection réelle à l’ambassadeur néerlandais et sa bande, qu’il appelait « ma bande joyeuse » – selon l’étude sur ce sujet faite par A. Akhmatova.
Bien entendu, la belle poésie ne peut être traduite. J’ai traduit le conte en vers libre, tout en suivant l’original.
Conte du tsar Saltan, de son fils, glorieux et puissant bogatyr Prince Guidon Saltanovitch, et de la belle princesse Cygne
Alexandre Pouchkine
Dans la soirée, trois demoiselles
Filaient, près de la fenêtre.
« Si j’étais tsarine, – dit l’une d’elles, –
Pour tout le monde baptisé,
Je préparerais un festin ».
« Si j’étais tsarine, dit sa sœur, –
– Je tisserais seule la toile
Pour le monde entier ».
« Si j’étais tsarine, – dit la troisième sœur, –
À notre père-tsar, j’enfanterais un bogatyr ».
À peine ces paroles a-t-elle prononcé,
La porte a doucement grincé,
Et le tsar entre dans la chambre,
Le souverain de ce pays.
Lors de la conversation
Il était derrière la haie.
Et il a bien aimé
Ce que la dernière a dit.
« Bonjour, belle demoiselle –
Dit-il, – Sois tsarine,
Et enfante pour moi un bogatyr
D’ici à la fin septembre.
Et vous, chères sœurs,
Quittez votre chambre,
Allez nous suivre,
Moi et votre sœur :
L’une de vous, sois tisseuse,
Et l’autre, cuisinière.
Le tsar-père va dans l’antichambre,
Et tout le monde se rend dans le palais.
Le tsar ne tarda pas à se marier,
Ils sont allés à l’autel le soir même.
Le tsar Saltan donne un bon festin,
Le préside avec la jeune tsarine.
Et puis, les honorables invités
Les ont couchés sur le lit d’ivoire
Et les ont laissés seuls.
La tisseuse pleure,
La cuisinière est en colère,
Elles jalousent le sort
De la femme du souverain.
Et la jeune tsarine,
Sans reporter sa mission,
Dès la première nuit tombe enceinte.
En ce temps-là, il y avait une guerre.
Le tsar Saltan, faisant ses adieux à sa femme,
Se mettant au bon cheval,
Lui dit de prendre soin de soi,
Pour l’amour de lui.
Pendant qu'il est loin,
Au milieu des rudes batailles,
Le temps d’accouchement arrive ;
Dieu leur donne un fils d’une archine,
Et la tsarine prend soin du tsarévitch
Comme l’aigle mère qui veille sur son aiglon ;
Elle envoie un messager
Pour réjouir le père.
Mais la tisseuse et la cuisinière
Et Babarikha la commère,
Cherchent à ruiner la tsarine
Et ordonnent d’attraper le messager
Pour y expédier un autre,
Avec cette lettre, mot pour mot :
« La tsarine a mis au monde
Un fils ou peut-être une fille,
Pas une grenouille, ni un souriceau,
Mais une bestiole inconnue. »
Quand le tsar-père entendit
Ce que le message disait,
Il est devenu furieux
Et voulait faire pendre le messager ;
Mais se radoucit pour cette fois,
Et donna au messager cet ordre :
« Attendre le retour du tsar
Pour décider à bon droit. »
Le messager voyage avec la lettre
Et arrive enfin.
Et la tisseuse et la cuisinière
Avec Babarikha la commère,
Ordonnent de le faire dévaliser ;
On enivre le messager,
Et dans son sacoche,
On fourre l’autre lettre –
Et le jour même,
Le messager ivre livra cet ordre :
« Le tsar ordonne à ses boyards,
De jeter secrètement, sans perdre de temps,
La tsarine et la progéniture
Dans l’abîme des eaux. »
Rien à faire : les boyards,
Regrettant le souverain
Et la jeune tsarine,
Furent venus en foule dans sa chambre
Et annoncèrent la volonté du tsar –
Le mauvais sort à elle et au fils,
Lurent à haute voix l’ordre,
Et aussitôt, ils mirent la tsarine
Avec le fils dans un tonneau,
Le passèrent de la résine
Et lancèrent dans l’Océan –
Comme au gré du tsar Saltan.
Les étoiles brillent dans le ciel bleu,
Dans la mer bleue, les vagues s’agitent ;
Un nuage parcourt le ciel,
Un tonneau flotte sur la mer.
Comme une triste veuve,
La tsarine y tremble et pleure ;
Et l’enfant, là-dedans,
Ne cesse de grandir à chaque heure.
La journée passe, la tsarine hurle...
Et l’enfant exhorte la vague :
« Vague, ma vague,
Vagabonde et errante
Tu cours où tu veux
Tu mines les roches marines,
Tu inondes la côte
Et soulèves les vaisseaux
Ne fais pas notre âme périr :
Amène-nous à la terre ! »
Et la vague se soumit :
Aussitôt, elle mit
Le tonneau doucement sur la plage
Et reflua discrètement.
La mère avec l’enfant est sauvée ;
Elle se sent sur la terre ferme.
Mais qui les sortira du tonneau ?
Est-ce possible que Dieu les quitte ?
Le fils se mit debout,
S’appuya contre le fond
Et fit un effort :
« Si on fait ici une fenêtre
Pour sortir dans la cour ? » –
Dit-il, brisa le fond
Et sortit au grand jour.
La mère et le fils sont enfin libérés ;
Ils voient la colline au milieu du pré,
La mer bleue tout autour,
Un chêne vert qui domine la colline.
Le fils pense : il est temps
Que nous prenions un bon souper.
Il cassa une branche de chêne,
En courba un arc tendu,
Et relia ses deux bouts
Par la ficelle de sa croix,
Il brisa une brindille,
En fit un bout pointu en flèche.
Puis alla au bord de la vallée
Pour chercher du gibier.
Quand il s’approche de la mer,
Il entend un gémissement...
Il doit y avoir du trouble ;
Et il voit un cygne en péril :
Dans les houles, une cygnette frétille,
Un vautour la menace, guettant,
La pauvre tourne, tourbillonne,
Dans les eaux troublées et écumées.
Le vautour tend déjà ses griffes
Et ouvre son bec...
Mais c’est là que la flèche chanta
Et toucha le vautour au cou –
Il versa le sang dans la mer,
Le tsarévitch baissa l’arc ;
Il voit : le vautour coule dans la mer,
Poussant des cris, mais pas des cris d’oiseau,
La cygnette nage près de lui,
Lui donne des coups de bec,
Elle le bat à coups d’aile, le noie
Pour hâter la fin
Du vautour méchant -
Et puis, elle dit au tsarévitch
En langue russe :
« Tsarévitch, tu es mon sauveur,
Mon puissant libérateur,
Ne t’afflige pas de rester, pour moi,
Trois jours sans nourriture,
Puisque la flèche est perdue dans la mer,
Le malheur n'est pas grave.
Je vais te remercier,
Je te rendrai service par la suite :
Tu n’as pas libéré une cygnette,
Mais une jeune fille ;
Tu n’a pas tué un vautour,
Mais abattu un ensorceleur.
Je ne t’oublierai pas :
Tu me trouveras partout,
Et maintenant, retourne,
Ne t'en fais pas et va dormir. »
L’oiseau s’envola,
Et le tsarévitch et sa mère,
La journée passée,
Finirent par coucher à jeun.
Voici le tsarévitch ouvre ses yeux ;
Secouant les rêves de nuit,
Il voit, stupéfié,
Une grande ville devant lui,
Les murs blancs à créneaux,
Et derrière les murs,
Les coupoles des églises brillent,
Et des saints monastères.
Il réveille la tsarine ;
Elle s’émerveille !
« Ce n'est pas fini – dit-il, – je vois :
Ma cygnette s'amuse. »
La mère et le fils vont vers la ville.
Une fois ils ont passé les portes,
Le carillon triomphal
Commença de tous les côtés :
Le peuple accourt en foule,
Le chœur d'église loue Dieu ;
La cour somptueuse les rencontre,
Dans les carrosses dorés ;
Tous leur font les honneurs
Et couronnent le tsarévitch
En le nommant leur dirigeant –
Et dans sa capitale,
Avec l’accord de la tsarine,
Ce jour-là, il commença son règne,
Et s’est nommé Prince Guidon.
Le vent parcourt la mer
Et pousse le vaisseau ;
Il file dans les vagues,
Les voiles gonflées.
Les marchands sont surpris,
Tous rassemblés,
Ils voient un miracle
Sur l’île connue :
Une ville neuve à coupoles dorées,
Le port, l’avant-poste fortifié –
Au port, les canons tonnent,
Ordonnent au vaisseau d’accoster.
Le bateau accoste la jetée ;
Le Prince Guidon les invite au palais.
Le Prince leur donne un bon repas,
Il les régale et interroge :
« Quel est votre commerce, messieurs,
Et où vous rendez-vous maintenant ? »
Les négociants lui répondent :
« Nous fîmes le tour du monde,
Nous vendîmes des zibelines
Et des renards noirs ;
L’heure est venue, maintenant
Nous allons loin à l'est,
En contournant l’île Folle,
Dans le royaume du glorieux Saltan... »
Le Prince prononce alors :
« Bon voyage, messieurs,
À travers la mer-océan
Chez le tsar glorieux Saltan ;
Saluez-le de ma part. »
Les visiteurs partirent,
Le Prince reste triste au bord de la mer,
Son âme veut les suivre.
Soudain, il voit sur les eaux fluentes
La cygnette blanche nager.
« Bonjour, mon beau Prince !
Pourquoi tu es sombre
Comme un jour nuageux ?
De quoi es-tu attristé ? » – lui dit-elle.
Le Prince triste lui répond :
« Un souci me ronge
Et accable moi, le brave :
Je voudrais voir mon père. »
La cygnette dit : « C’est donc ton chagrin !
Écoute : veux-tu voler suivre le bateau ?
Alors, sois un moustique. »
Et en battant les ailes,
Elle jeta de l’eau sur lui,
L’arrosant de la tête aux pieds.
Tout éclaboussé d’eau,
Il s’est réduit au petit point
Et devint moustique.
Il s’envola en bourdonnant,
Rattrapa le vaisseau,
S’y posa doucement
Et se tapit dans une fente.
Le vent souffle vivifiant,
Le vaisseau file vite,
Passant l’île Folle,
Au royaume du glorieux Saltan,
Et on voit déjà au loin
Le pays désiré.
Les marchands descendent à terre,
Le tsar Saltan les invite ;
Notre brave vole après,
Au palais de tsar.
Il voit le tsar Saltan,
Sur le trône, coiffé de couronne,
Tout luisant d’or,
Son visage est triste, songeur ;
Et la tisseuse et la cuisinière,
Avec Babarikha la commère,
Assises près du tsar,
Le regardent dans les yeux.
Le tsar Saltan met les invités
À table et leur pose les questions :
« Vous messieurs les invités,
Où étiez-vous, et combien de temps ?
Est-ce que tout va bien outre-mer ?
Et quel miracle y a-t-il au monde ?
Les négociants lui répondent :
Nous fîmes le tour du monde,
Outre-mer, la vie va bien,
Quant au miracle, le voici :
Il y avait une île escarpée dans la mer,
Impropre à l'accoster ni habiter ;
C’était une plaine désertique ;
Hormis un jeune chêne dessus ;
Et maintenant une ville toute neuve
Apparut sur l’île : un palais et des églises
À coupoles dorées, des manoirs et des jardins.
Le Prince Guidon est son seigneur,
Il t’envoie ses salutations. »
Le tsar Saltan s’étonne du miracle ;
Il dit : « Si seulement je suis en vie,
Je me rendrai à l’île merveilleuse,
Je visiterai Guidon ».
Et la tisseuse et la cuisinière,
Avec Babarikha la commère,
Ne veulent pas le laisser
Visiter l’île merveilleuse.
« Est-ce une merveille, pour de vrai ? –
Dit la cuisinière,
Avec un clin d’œil malin aux autres, –
Une ville, près de la mer !
Sachez ce qu’est un vrai miracle :
Un sapin dans la forêt, sous le sapin,
Un écureuil qui chante des chansonnettes
Et sans cesse, casse des noisettes,
Pas de simples noisettes,
Les coques sont d'or,
Les noyaux sont de pure émeraude.
C’est ce qu’on appelle une merveille. »
Le tsar Saltan s’étonne du miracle,
Et le moustique s'irrite, tourne –
Et enfonce son aiguillon
Juste dans l’œil droite de sa tante.
La cuisinière stupéfaite pâlit
Et devint borgne.
Les servants, la commère et la sœur,
En hurlant, courent après lui
« Maudite bigaille ! Tu vas voir !... »
Et lui, il vola vers la fenêtre
Et partit pour sa contrée
À travers la mer.
Le Prince, retourné au bord de la mer,
Ne quitte pas la mer bleue des yeux.
Soudain, il voit sur les eaux fluentes
La cygnette blanche nager.
« Bonjour, mon beau Prince !
Pourquoi tu es sombre
Comme un jour nuageux ?
De quoi es-tu attristé ? » – lui dit-elle.
Le Prince lui répond :
« Un souci me ronge ;
Je voudrais avoir chez moi une merveille.
Il y a quelque part un sapin dans la forêt,
Sous le sapin, un écureuil ;
Ce n’est pas une bagatelle –
Un écureuil qui chante des chansonnettes
Et sans cesse, casse des noisettes,
Pas de simples noisettes,
Les coques sont d'or,
Les noyaux sont de pure émeraude.
Mais les gens mentent, peut-être ?
Le cygne lui répond :
« On dit vrai pour l’écureuil,
Je connais cette merveille ;
Prince, mon cœur, ne t’afflige pas ;
Je suis ravie de te rendre
Un service pour l’amitié. »
Le Prince, réconforté,
S’est rendu chez soi.
Il entre dans la cour –
Que voit-il ? Sous un grand sapin,
Un écureuil, devant tout le monde,
Casse une noisette d’or,
Retire une petite émeraude,
Et recueille les coques,
Les met en piles égales,
Et chante, en sifflotant,
Devant toutes les bonnes gens :
Dans le jardin, dans le verger.
Le Prince, époustouflé,
Prononce : « Eh bien, merci
Cygnette - que Dieu te ravisse
Autant que moi. »
Le Prince fit ensuite bâtir
Une maison de cristal pour l’écureuil,
Mit la garde à côté,
Et un greffier pour tenir un registre des noisettes.
Au Prince, le profit, à l’écureuil, l’honneur.
Le vent parcourt la mer,
Et pousse le vaisseau,
Il file dans les vagues,
Toutes voiles dehors,
Près de l’île escarpée,
Près de la grande ville.
Les canons tonnent du rivage,
Ordonnent au vaisseau d’accoster.
Les marchands abordent la jetée ;
Le Prince Guidon les invite au palais.
Il leur donne un bon repas,
Les régale et interroge :
« Quel est votre commerce, marchands,
Et où vous rendez-vous maintenant ? »
« Nous fîmes le tour du monde,
Nous vendîmes des chevaux,
À savoir, les étalons de Don.
L’heure est venue, maintenant
Nous allons loin à l'est,
En contournant l’île Folle,
Dans le royaume du glorieux Saltan... »
Le Prince dit alors :
« Bon voyage, messieurs,
À travers la mer-océan
Chez le tsar glorieux Saltan ;
Et dites-lui : le Prince Guidon
Lui envoie ses salutations. »
Les négociants le remercièrent
Et sortirent pour reprendre le voyage.
Le Prince s’élance vers la mer et voit le cygne
Qui nage déjà parmi les vagues.
Le Prince implore : mon âme aspire,
M’entraîne, m’emporte...
À nouveau, elle l’arrosa
Tout entier en un instant :
Le Prince se changea en mouche,
S’envola et descendit
Entre la mer et les cieux
Juste au bateau – et se mit dans une fente.
Le vent souffle vivifiant,
Le vaisseau file vite,
Passant l’île Folle,
Au royaume du glorieux Saltan,
Et on voit déjà au loin
Le pays désiré.
Les marchands descendent à terre,
Le tsar Saltan les invite ;
Notre brave vole après,
Au palais de tsar.
Il voit le tsar Saltan,
Sur le trône, coiffé de couronne,
Tout luisant d’or,
Son visage est triste, songeur ;
Et la tisseuse et Babarikha
Avec la borgne cuisinière,
Assises près du tsar,
Regardent comme de vils crapauds.
Le tsar Saltane met les invités
À table et leur pose les questions :
« Vous messieurs les invités,
Où étiez-vous, et combien de temps ?
Est-ce que tout va bien outre-mer ?
Et quel miracle y a-t-il au monde ? »
Les négociants lui répondent :
Nous fîmes le tour du monde,
Outre-mer, la vie va bien,
Quant au miracle, le voici :
Au milieu de la mer, il y a une île,
Et une ville sur l’île.
Avec des églises à coupoles dorées,
Avec des manoirs et des jardins ;
Devant le palais pousse un sapin,
En dessous, une maison de cristal ;
Un écureuil savant l'habite,
Et c'est un amuseur !
L’écureuil chante des chansonnettes
Et sans cesse, casse des noisettes,
Pas de simples noisettes,
Les coques sont d'or,
Les noyaux sont de pure émeraude.
Les serviteurs gardent l'écureuil,
Lui fournissent divers services –
Et un greffier y est adjoint
Pour faire le compte des noisettes.
La garde la salue ; des coques,
Ils fondent la monnaie
Et la font circuler dans le monde ;
Les filles versent les émeraudes
Dans les celliers, sous le boisseau ;
Tous sont riches dans l’île,
Tous vivent dans des manoirs ;
Le Prince Guidon est son seigneur
Il t’envoie ses salutations. »
Le tsar Saltan s’étonne du miracle ;
Il dit : « Si seulement je suis en vie,
Je me rendrai à l’île merveilleuse,
Je visiterai Guidon ».
Et la tisseuse et la cuisinière,
Avec Babarikha la commère,
Ne veulent pas le laisser
Visiter l’île merveilleuse.
La tisseuse, sournoise,
Dit au tsar : « Est-ce une merveille ?
Un écureuil croque des caillous,
Jette de l’or et ramasse
Des tas d’émeraudes ;
Soit-il vrai ou pas, ce n'est pas une surprise.
Un autre miracle est connu au monde :
La mer houleuse bouillonne,
Boursouflée, se met à rugir,
Se déferle sur la grève vide,
Se répand à flots effervescents,
Et trente-trois bogatyrs apparaissent,
Leur cuirasse écaillée
Brûle comme de feu.
Tous beaux et braves,
Tous jeunes géants,
Tous égaux, comme choisis,
Avec eux Euxin, le précepteur.
Voilà un vrai miracle,
Pour dire avec raison. »
Les invités se taisent sagement,
Ne voulant pas se disputer.
Le tsar Saltan s’étonne du miracle,
Et Guidon-mouche est fort irrité...
Bourdonnant, tourbillant, il se mit
Juste dans l'oeil droite de sa tante.
Le tisseuse pâlit : Aïe ! et devint borgne ;
Tout le monde crie : « Attrape-la,
Attrape-la, écrase-la !
Attends, attends... Tu vas voir ! »
Le Prince vole à la fenêtre,
Et traversant la mer,
Regagne sa contrée.