25/01/2021 (2029)
Humilité et orgueil. Siméon le Nouveau Théologien
Deux choses sont les plus importantes dans la présente vie : l'une est le plus grand bien, et l'autre est le plus grand mal ; la première, comme un bien suprême, élève l’homme au ciel, et l'autre, comme un mal extrême, le fait descendre aux abîmes de l'enfer ; l’une est la vérité, et l’autre la fausseté ; l’une est le grand repos, et l’autre, une tribulation incommensurable ; la première est le comble de la raison, la seconde est l'extrémité de la folie ; la première est apparentée et inhérente à l'homme, la seconde est hostile et étrangère ; la première est toute droiture, la seconde est toute obliquité ; la première est la joie et l’allégresse, la seconde est la tristesse et le tourment. Quelles sont ces choses ? Humilité et orgueil : l'un est tout péché – c'est l'orgueil, et l'autre est toute la vérité, c'est l'humilité. Considérez le péché avec lequel Adam a péché quand il était au paradis, dans la gloire et dans toute jouissance, et vous verrez qu'il a péché non par nécessité ou faiblesse, ou pour un prétexte plausible, mais par mépris pour le commandement de Dieu, et cela vient de l'orgueil et de l'ingratitude envers son Créateur et Dieu, qui l'ont amené à l'abjuration de Dieu, dans laquelle le diable est tombé le premier par sa propre volonté.
2. Il faut savoir que l'orgueil naît dans l'âme à la suite de l'ignorance de soi-même qui engendre la vanité, par laquelle on pense qu'on a quelque chose, alors qu'on n'a rien, et cela grandit avec l'âge de la personne. C’est pourquoi il est nécessaire d'enseigner à tout homme dès le plus jeune âge la connaissance de soi-même, avant qu’il sache quoi que ce soit d'autre, – de quoi il est fait, ce qu'il est, et la façon dont il finira sa vie, c'est-à-dire, qu'il est semé comme quelque chose de miteux et corruptible, formé parmi la saleté, grandit comme l’herbe des prés ; est composé de nombreux mélanges, facilement décomposables, que toute sa vie est la lutte contre la mort, et dans ses entrailles, même avant la mort, il porte ce qui est la puanteur et la fétidité. Car celui qui ne se connaît pas, ce qu'il est, tombe peu à peu dans l'orgueil et devient insane et imbécile. Et qu'y a-t-il de plus insensé qu'un homme qui, couvert de lèpre, est fier de porter des vêtements clairs et dorés, bien qu'il soit sordide et plein de laideur en lui-même ? Et quand il perd la raison à cause de son orgueil, alors il devient un instrument du diable dans toutes ses paroles et ses actes et devient un ennemi de Dieu. Mais quoi de plus désastreux que se faire ennemi de Dieu ? Quand quelqu'un tombe malade du corps, il ressent sa maladie et va chez le médecin, mais quiconque tombe malade de l'âme, ne ressent pas sa maladie, mais au contraire, plus sa maladie progresse, plus il devient insensible, et donc ne veut pas aller voir des médecins spirituels. Ainsi, quand vous voyez qu'une personne est fière, sachez que dans la mesure de son orgueil, elle souffre d'insensibilité mentale, et ayez pitié de cette personne, car celui qui est malade, mais ne le ressent pas, est proche de la mort. Tel est ce péché qui plonge l'âme dans la mort, car un orgueilleux est un malade insensible, qui ne se rend pas compte de sa maladie, ne la ressent pas, et c'est la mort de l'âme. Si l'un d'entre eux est encore habitué à enseigner et à réprimander les autres, il est déjà un mort complet qui n'a plus besoin du médecin.
3. Ainsi, il est nécessaire d'apprendre à l’homme la connaissance de soi et la sagesse humble. L'humilité est avant tout l'intelligence. Comme l'orgueilleux est insensé et irraisonné, ainsi l'humble est sensé et raisonnable. Puisque la folie et l'aveuglement de l'orgueil sont si proches des gens et si forts en eux, le Dieu Tout-Bon a décidé qu'ils auraient non seulement la joie mais aussi des chagrins, afin que nous apprenions à être humiliés et non pas fiers. Le dard de la chair nous montre cela, l'ange du satan, tourmentant l'apôtre Paul qui faisait des miracles et était orné de la gloire de Dieu avec une telle abondance. C’est pourquoi nous devons plus remercier Dieu pour le chagrin que pour la consolation, et nous réjouir des choses douloureuses comme nous nous réjouissons des choses agréables. Ainsi, chaque personne a besoin de savoir qu'elle est rien. Celui qui ne se connaît pas, qu'il est rien, ne peut être sauvé par le Dieu Tout-Puissant Lui-même, bien que Dieu veuille le sauver. Et si quelqu'un apporte le monde entier en cadeau à Dieu (ce qui est bien sûr impossible), et ne pense pas qu'il est rien, ne peut aucunement être sauvé.
4. Ainsi, il n'est pas nécessaire qu'une personne en échange de son âme donne autre chose que la connaissance de soi – qu'elle est rien. Ce n'est qu'alors qu'elle pourra offrir à Dieu un cœur contrit et humble, le seul sacrifice qu’il sied à toute personne pieuse d'offrir à Dieu. C’est le seul sacrifice que Dieu ne mépriserait pas, sachant que l'homme n'a rien de propre à Lui apporter, comme le dit saint David : je donnerais un sacrifice si Tu le voulais, mais l’holocauste ne Te plaît pas. L’esprit humble est un sacrifice à Dieu ; Tu ne dédaignes pas un cœur contrit et humble (Ps. 50:18-19). Tous les rois, grands, nobles, plébéiens, sages, illettrés, riches, pauvres, mendiants, voleurs, offenseurs, exacteurs, débauchés, meurtriers et les pécheurs de toute sorte ont été, sont et seront sauvés par ce sacrifice. La profondeur de l'humilité, de ce sacrifice salutaire, doit être mesurée par la mesure des péchés, afin que l’homme ait l'humilité avec contrition à proportion des péchés qu'il a commis. Mais les justes mêmes, les saints, les purs de cœur, et tous les sauvés, ne sont sauvés que par ce sacrifice. Et l'aumône, la foi, le retrait du monde, et le plus grand exploit du martyre, et tous les autres sacrifices sont allumés par l'inflammation de ce sacrifice, c'est-à-dire la contrition du cœur. C'est un sacrifice face auquel il n'y a pas de péché qui vainque l'amour de Dieu. Des maladies, des peines, des contraintes, la chute même, des passions d’âme et des passions corporelles qui les accompagnent, tout cela arrive pour ce sacrifice unique, pour qu'il existe et soit préservé : quiconque a la crainte de Dieu, qu’il apporte ce sacrifice. Quiconque acquiert ce sacrifice, la contrition avec humilité, n'a nulle part où tomber, car il se trouve en dessous de tout le monde. Et Dieu n'est descendu sur terre et ne S'est humilié jusqu'à la mort que pour édifier un cœur contrit et humble chez ceux qui croient en Lui.
5. Il y a deux sacrifices que Dieu et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ accepte et pour lesquels Il gracie chaque personne individuellement, comme le monde dans son ensemble – dont l'un est notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même, le Fils de Dieu et le Dieu incarné, et l'autre est le cœur humble et contrit de tous ceux qui croient en Lui. Alors, si quelqu'un prend tous ses biens et les donne aux pauvres, jeûne, fait des veillées, dort sur la terre nue, prie jour et nuit, et ne demande pas à Dieu d'acquérir un cœur contrit et humble (car tout don parfait descend d'en haut, du Père des lumières – Jacques 1:17), son œuvre sera vain. C’est pourquoi il est nécessaire de rechercher le seul chemin sur lequel on acquiert un cœur contrit et humble, car quiconque l’acquiert, marche sur la terre comme s’il marchait en haut – dans le royaume des cieux. Et à la dernière heure de la mort, les contrits et humbles de cœur reçoivent une confirmation attestant qu'ils sont pardonnés par Dieu miséricordieux, et partent égayés et réjouis. C’est un don grand et incomparable de Dieu. Il est une base pour monter l’escalier des vertus et recevoir le don des miracles et des signes, – il est la résurrection des âmes qui arrive encore dans la vie actuelle, avant la résurrection générale des corps, – il est une délivrance pour laquelle Dieu et le Père donna son Fils, pour que celui qui croit ne périsse pas, mais ait la vie éternelle, et ayant la vie éternelle, connaisse le seul vrai Dieu et Jésus Christ qu’Il a envoyé (Jean 17: 3).
6. La vraie connaissance de Dieu avec la crainte de Dieu donne naissance à un moral humble, et l'humilité donne naissance à un moral doux ; et la douceur et l'humilité, devenues humeur, rapprochent de Dieu. Ces deux vertus se confondent et indiquent une personne qui craint Dieu ; la mesure de l'humilité et de la douceur chez la personne qui craint Dieu montre clairement à quel point elle est proche de Dieu, et inversement, la fierté et l'irritabilité montrent comme une personne est éloignée de Dieu. Par conséquent, notre Seigneur Jésus-Christ, le Dieu Très-Haut, S'est humilié jusqu'à la mort de croix pour donner l'humilité à tous ceux qui croient en Lui, qui reçoivent le baptême et goûtent à Son Corps et Son Sang, ce qui leur donne l'immortalité et la vie éternelle. Car la mystérieuse communion avec notre Seigneur Jésus-Christ, Dieu le Très-Haut, porte trois fruits efficaces : la vie, l'immortalité et la sagesse humble. La vie et l'immortalité s’effectuent à travers l'humilité, mais aussi l'humilité s’effectue à cause de la vie et de l'immortalité. L'humilité est requise avant et après la vie et l'immortalité : elle est une raison des deux autres, et elle les embrassent et retient. Ainsi, quiconque n'a pas acquis l'humilité du Christ, pour qu'elle constitue comme sa propriété naturelle, ne bénéficie d’aucune assistance du Christ. Une telle personne ne connaît ni Dieu, ni lui-même, car si elle savait qu’il est impossible de faire quoi que ce soit de vraiment bon et salutaire sans le Christ, elle s'humilierait bien sûr, revêtirait l'humilité du Christ, comme un vêtement royal par lequel les chrétiens sont faits rois, règnent, et par Sa puissance, dominent les passions et les démons. La mesure de salut est conforme à l'humilité vraie et parfaite. L'esprit éclairé par la grâce du Christ et voyant clairement sa faiblesse à l'aide de cette lumière divine est le géniteur et le père de l'humilité ; et inversement, l'esprit couvert des ténèbres de l'ignorance est le père de l'arrogance et de l'orgueil, et puissions nous tous, éclairés avec la lumière divine, nous débarrasser de ces ténèbres et venir à l'humilité, par la grâce et l'amour d'hommes de notre Seigneur Jésus-Christ, à Qui gloire et puissance, avec Son Père éternel et l’Esprit vivifiant pour des siècles sans fin. Amen.
Traduit par Olga (TdR)