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28/01/2017

 

Éléctricité sans fil

 

Tout le monde sait que Nikola Tesla est inventeur des choses couramment utilisées comme le courant alternatif et le transformateur. Mais il s'en faut que tous les scientifiques soient familiers avec d'autres inventions de Tesla. Nous utilisons un courant alternatif. Nous utilisons des transformateurs. Dans chaque appartement. Il est difficile d'imaginer comment il serait possible de se passer de ces inventions.

Mais comment les utilisons-nous?  

Tesla utilisait ces choses connues à nous (comme il nous paraît) très différemment. Comment connectons-nous un appareil au réseau? Par la prise - à savoir, par deux conducteurs. Si nous connectons un seul conducteur, il n’y a pas de courant - le circuit n’est pas fermé.

Tesla a démontré l'effet du transport de puissance par un fil. Mieux que ça, dans d'autres expériences, il transmettait la puissance sans aucun fil. Le grand inventeur fut capable, à la fin du XIXe siècle, de transmettre l'énergie électrique sans fil à une distance plus de 40 km.

Comme cette fameuse expérience de Tesla n'a pas encore été répété, racontons les détails de l'histoire et l'état actuel de transport d'énergie électrique sans fil.

 

Tesla dans son laboratoireTesla dans son laboratoire

La biographie de l'inventeur américain Nikola Tesla, Serbe d'origine, est assez bien connue. Mais il faut préciser un fait. Avant de démontrer son expérience unique, Tesla, d'abord en 1892 à Londres, puis l'année d'après à Philadelphie, en présence des experts, avait démontré la possibilité de transmettre l'énergie électrique par un seul fil, sans relier à la terre le deuxième pôle de la source d'énergie. Et puis il a eu l'idée d'utiliser comme le seul fil... la Terre!

 

 

 

Et la même année, au congrès de l'association d'éclairage électrique à Saint-Lewis, il a démontré des lampes allumées sans fils d'alimentation et un moteur électrique fonctionnant sans connexion au réseau électrique. Il a commenté cette exposition inhabituelle comme suit:

 

«Quelques mots sur l'idée qui occupe constamment mes pensées et qui nous concerne tous. Je veux dire la transmission des signaux, ainsi que l'énergie, à toute distance sans fil. Nous savons déjà que les oscillations électriques peuvent être transmis par un seul fil. Pourquoi ne pas profiter de la Terre à cette fin? Si nous pouvons définir la période d'oscillation de la charge électrique de la Terre lors de son excitation dûe à l'action du circuit de charge opposée, ça serait un fait d'une extrême importance qui servirait pour le bénéfice de toute l'humanité».

 

Après avoir vu une telle démonstration spectaculaire, les oligarques bien connus comme George Westinghouse et J. P. Morgan ont investi dans cette entreprise prometteuse plus d'un million de dollars, ayant acheté les brevets chez Tesla (une somme énorme pour l'époque!) Avec ces fonds, à la fin des années 90 du XIX siècle, Tesla construit son laboratoire unique à Colorado Springs.

 

Le laboratoire de Tesla à Colorado SpringsLe laboratoire de Tesla à Colorado Springs

Les détails des expériences dans le laboratoire de Tesla sont exposés dans le livre de son biographe John O'Neill «Prometheus électrique» (dans notre pays, sa traduction a été publiée dans le magazine «Inventeur et rationalisateur» en 1979). Nous présentons ici un bref extrait de celui-ci pour ne pas se référer aux réimpressions plus récentes:


«À Colorado Springs, Tesla a effectué le premier test de transmission d'énergie sans fil. Il a pu alimenter, par le courant extrait de la Terre pendant le fonctionnement du vibrateur géant, 200 ampoules à incandescence, espacés de 42 kilomètres de son laboratoire. Avec chaque ampoule de 50 watts, la consommation totale d'énergie était de 10 kW ou 13 c. v. Tesla était convaincu qu'avec un vibrateur plus puissant il pourrait allumer une douzaine de guirlandes électriques de 200 ampoules chacune, dispersées aux quatre coins du monde».


Tesla lui-même fut inspiré par le succès de ces expériences jusqu'à dire à la presse qu'il avait l'intention d'éclairer l'Exposition industrielle universelle à Paris en 1903 par l'énergie de la centrale électrique située aux chutes du Niagara, transférée à Paris sans fil.

 

 

D'après de nombreuses photographies et descriptions de témoins oculaires et des assistants de l'inventeur, il est connu quel était le générateur d'énergie transmise à 42 kilomètres sans fil (cependant, ce terme est purement journalistique: un conducteur, que représentait la Terre, était présent dans ce circuit, ce que dit explicitement Tesla lui-même aussi bien que son biographe).

 

Ce que Tesla appelait le vibrateur, était un transformateur géant de son système, qui avait un bobinage primaire de quelques tours de fil épais enroulé sur une clôture d'un diamètre de 25 mètres, avec un bobinage secondaire multispire d'une seule couche sur un cylindre  diélectrique, placé à l'intérieur. Le bobinage primaire, avec un condensateur, une bobine d'induction et une distance d'éclatement, formait un circuit oscillant - le convertisseur de fréquence.

 

Au-dessus du transformateur, situé au centre du laboratoire, se dressait une tour en bois de 60 mètres de haut, surmontée d'une grande boule de cuivre. Une extrémité du secondaire du transformateur était reliée à la boule, l'autre mise à la terre. L'ensemble du dispositif était alimenté par une dynamo séparée d'une puissance de 300 cheval-vapeurs. Le dispositif excitait les vibrations électromagnétiques d'une fréquence de 150 kilohertz (la longueur d'onde de 2000 mètres). Le voltage d'opération du circuit de haute tension était de 30 000 V, le potentiel de résonance de la boule atteignait 100 millions de volts, en créant les foudres artificielles de dizaines de mètres de long!

 

Voici comment le biographe de Tesla explique le fonctionnement du vibrateur:

 

«Au fond, Tesla «pompait» à la Terre, et en tirait, le flux d'électrons. La fréquence de la pompe était de 150 kHz. Les ondes électriques répandaient en cercles concentriques de plus en plus loin de Colorado Springs, puis convergeaient dans le point diamétralement opposé de la Terre. Là-bas, les ondes d'amplitude  importante montaient et tombaient à l'unisson avec celles qui montaient à Colorado. Ces ondes tombantes envoyaient un écho électrique de retour vers Colorado, où le vibrateur électrique amplifiait l'onde, et elle courait inversement.

 

Si on porte toute la Terre à l'état de vibration électrique, alors, à chaque point de sa surface, nous disposerons d'énergie. Il sera possible de capter l'énergie depuis les ondes démenant entre les pôles électriques à l'aide des dispositifs simples, tels que les circuits de résonance dans le récepteur radio, mais mis à la terre et équipé d'une petite antenne d'une hauteur de la maison rustique. Cette énergie va chauffer les maisons et les éclairer avec les tubes de lumière de Tesla, exempts de fils. Pour les moteurs électriques de courant alternatif, seraient seulement nécessaires les convertisseurs de fréquence».

 

Les renseignements sur les expériences de Tesla en transmission d'énergie électrique sans fil ont inspiré d'autres chercheurs à travailler dans ce domaine. Les rapports sur des expériences similaires apparaissaient fréquemment dans la presse au début du siècle dernier. Il vaut citer un extrait de l'article de A. M. Gorky «Conversations sur le métier», publié en 1930:

 

«Cette année, Marconi a passé le courant électrique par l'air de Gênes à l'Australie et y a allumé les ampoules électriques à l'exposition à Sydney. Le même a été fait il y a 27 ans chez nous en Russie par M. M. Filippov, écrivain et érudit, qui a travaillé pendant plusieurs années sur le transfert de courant électrique à travers l'air et a fini par allumer un lustre à Tsarskoïe Selo depuis Saint-Pétersbourg  (à une distance de 27 kilomètres). À l'époque, ce fait n'a pas attiré de l'attention appropriée, mais après quelques jours Filippov fut trouvé mort dans son appartement, et ses dispositifs et ses papiers furent confisqués par la police».

 

Les expériences de Tesla ont aussi impressionné un autre écrivain, Alexeï Tolstoï, qui était ingénieur de formation. Lorsque Tesla et puis Marconi ont rapporté dans la presse que leurs appareils reçoivent des signaux extraterrestres étranges, d'origine apparemment martien, cela a inspiré l'écrivain d'écrire un roman de fiction «Aelita». Dans le roman, les Martiens utilisent l'invention de Tesla afin de transférer l'énergie sans fil depuis les centrales électriques, situées aux pôles martiens, au point quelconque de la planète. Cette énergie actionnait les moteurs des vaisseaux volants et d'autres mécanismes.



Cependant, Tesla n'a pas pu construire son «système mondial» pour fournir l'électricité à la population du monde sans l'utilisation de fils. Dès qu'il a commencé, en 1900, à construire le laboratoire de recherche à Long Island près de New York, avec une cité scientifique pour 2000 employés et une immense tour métallique avec une géante soucoupe de cuivre sur la faîte, les oligarques électriques «filaires» se sont rendu compte: l'introduction généralisée du système Tesla leur menaçait de ruine. Le milliardaire J. P. Morgan, qui finançait la construction, a fait face à la pression brutale, y compris de la part des responsables gouvernementaux soudoyés par ses concurrents.

 

La tour à Long Island, démolie en 1917La tour à Long Island, démolie en 1917

 

 

Le dérèglement de fourniture d'équipements a commencé, la construction fut grippée et puis complètement arrêtée quand Morgan, sous la pression, a coupé le financement. Au début de la Première guerre mondiale [en 1917 au fait - ndt], à l'instigation des mêmes concurrents, le gouvernement américain a ordonné de faire sauter la tour sous le faux prétexte qu'elle pourrait être utilisée pour l'espionnage. Et ensuite, l’électrotechnique a pris la direction habituelle.

 

 

 

 

Pendant longtemps personne ne pouvait répéter les expériences de Tesla, ne fût-ce que parce qu'il serait nécessaire de créer une installation similaire en taille et puissance. Mais le fait que Tesla a pu trouver une technique pour transférer l'énergie électrique à distance sans fil reste incontestable durant plus de cent ans. La notoriété de Tesla, qui avait le deuxième rang d'inventeur après Edison, était assez élevé dans le monde entier, sa contribution au développement de l'électrotechnique de courant alternatif (au mépris de Edison qui  préconisait le courant continu) était hors de doute. De nombreux experts, la presse mise à part, étaient présents lors de ses expériences, et personne n'a jamais essayé de l'attraper aux astuces quelconques ou à la manipulation des faits. L'unité d'intensité du champ magnétique, nommée d'après lui, est aussi un signe de prestige.

 

Cependant, la conclusion de Tesla que pendant l'expérience à Colorado Springs, l'énergie fut transmise à une distance de 42 kilomètres avec le rendement près de 90%, est trop optimiste. Rappelons que la puissance totale des lampes allumées à distance était de 10 kW ou 13 c. v., tandis que la puissance de la dynamo alimentant le vibrateur était de 300 c. v. Autrement dit, on peut parler du rendement environ 4-5%, bien que ce chiffre soit quand même frappant.

 

Le fondement physique pour les expériences de Tesla sur la transmission d'énergie sans fil reste une source de préoccupation pour de nombreux experts. L'un d'eux a fait une suggestion intéressante que l'accumulateur d'énergie rendant à la Terre la charge extraite était un immense nuage hautement ionisé qui se produisait autour de la boule au sommet du mât de l'installation de Tesla - la boule qui générait des énormes foudres artificielles pendant le fonctionnement de l'installation. En d'autres mots, se formait une sorte de pompe pulsatoire qui changeait périodiquement la charge de toute la Terre (en passant, pas si grande). À ceux qui souhaitent calculer la capacité de la Terre comme un condensateur, nous rappelons que la capacité d'une boule est numériquement égale à son rayon en centimètres, et le «centimètre» de capacité  est égale à 1 pF.*

 

Et ce ne fut qu'une centaine d'années après la célèbre démonstration de Tesla que des informations sur les premières tentatives de reproduire ses expériences avec des équipements modernes sont apparus. Et il fallut recommencer, avec l'expérience de Tesla sur le transport d'électricité par un seul fil. Les expériences ont été effectuées en juillet 1990 dans le laboratoire de l'Institut d'énergie de Moscou. En présence d'une commission d'experts,  elles étaient effectuées par l'ingénieur S. Avramenko. La source d'énergie était un transformateur de Tesla modifié dont l'une des bornes était reliée à une ligne d'environ trois mètres de longueur (c'était une expérience de laboratoire). Dans une variante plus complexe de l'expérience, la ligne représentait un fil superfin de tungstène avec un diamètre de 15 microns et une grande résistance. Mais on a réussi à transmettre la puissance de 1,3 kW pour une guirlande d'ampoules, le fil restant froid comme s'il avait acquis les propriétés du supraconducteur.

 

En 1989, le vice-ministre de l'énergie et les chefs des directions générales de fabrication étaient venus voir les expériences antérieures de Avramenko. Ils s'étonnaient et écartaient les bras à l'instar des experts présents à la démonstration de Tesla à Londres une centaine d'années avant. Et en 1991, Avramenko a augmenté la longueur de la ligne de transmission de puissance par un seul fil jusqu'à 160 mètres.

 

Par ailleurs, l'histoire des véhicules électriques est révélatrice à cet égard: ils sont apparus il y a plus de cent ans et même alors rivalisaient avec succès par ses caractéristiques avec les automobiles. Avec des batteries modernes, ils peuvent réussir à rivaliser avec eux maintenant, mais les oligarques automobiles font tout pour ne pas laisser ce concurrent, dépassant à tous égards, entrer sur le marché mondial.

 

Valentin Psalomchikov, candidat des sciences physiques et mathématiques

 

Article original L’énergétique et l’indusrie de la Russie, mars 2003

 

Traduit par Olga (TdR)

 

 

* Dans le système électrostatique CGS (centimètre-gramme-seconde), 1 unité de capacité est égale à la capacité d’une boule avec le rayon de 1 centimètre dans le vide, ou 1,11 picofarad. La capacité électrique de la Terre est environ égale à 700 microfarads.