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30/04/2016

Comment la vie va-t-elle décrypter les TOR?

 

Il y a un an, la Douma d'État a adopté la loi fédérale № 473-FZ «Sur les territoires du développement socio-économique anticipé dans la Fédération de Russie» [acronyme russe TOR].

 

La loi fut signée par le président Poutine le 29 décembre 2014 et publiée en même temps. Le nom du document n'est pas trop distinct, comme c'est habituellement le cas de tels documents, mais semble être plutôt optimiste. Il s'agit quand même du développement, et en plus, du développement anticipé.

 

Pourtant, la loi a provoqué un certain nombre de réactions extrêmement négatives, au début de l'année 2015 ont eu lieu des tables rondes, des publications ont paru, dans lesquelles les auteurs déclaraient que la loi fédérale №473 sur les TOR fût, au fond, un acte de haute trahison. Désormais, on peut vendre, de façon parfaitement légale, des immenses territoires russes  aux étrangers pour les activités commerciales. En cela, leur activité dans ces domaines est mise hors de contrôle de l'état. Les objections ont également apparu: qu'il ne fallût pas aggraver la situation, et toutes les craintes, et surtout des accusations, fussent totalement dénuées de fondement.

 

Mais ces craintes sont trop graves pour les laisser de côté. Il y a l'impression qu'on veuille gommer l'essence de la loi. Le moment de son adoption aussi en dit long. En Russie, la pratique établie depuis longtemps est de faire passer les initiatives législatives douteuses, destructrices, antinationales, à l'abri de l'achèvement de la session parlementaire, du début des vacances, etc. Rappelons-nous l'adhésion à l'OMC, ou la «réforme» de l'Académie des sciences de Russie.

 

Or, cette fois nous pouvons faire face à un cas pareil. Eh bien, qui voudrait examiner la casuistique juridique juste avant le Nouvel an! Donc, les députés, même ceux d'opposition, «n'ont pas fait du fracas». Et plus tard, comme on dit, le train est passé.


Pourtant, on n'oublie pas ce sujet. Quel est donc le statut formel du TOR? C'est une partie du territoire d'un sujet de la Fédération de Russie, sur laquelle est instauré le régime juridique particulier pour les activités entrepreneuriales et autres. En particulier, sont prévues des conditions fiscales préférentielles, des procédures administratives simplifiées, etc. On établit les TOR pour les grands investisseurs spécifiques (au fait, étrangers), ayant conclu avec l'organisme fédéral autorisé des accords préliminaires concernant la forme de l'activité économique présumée, le volume des investissements et le nombre d'emplois créés.

 

On met en place un territoire du développement anticipé pour la période de 70 ans (la longueur de toute la biographie de l'Union Soviétique), la période de son existence peut être prolongée, ce qui n'est pas prévu pour les zones économiques spéciales (la durée de vie 49 ans) et les zones de développement territorial (durée de vie 12 ans). Tout sujet de la Fédération de Russie peut déposer une demande pour la création d'un TOR, tandis que la liste des régions pour former des zones de développement territorial est établie par le gouvernement de la Fédération de Russie.

 

Dans les TOR sont autorisées l'exploitation des gisements de minéraux et la production des produits soumis à droit d’accises. Pour chaque territoire, le gouvernement établit une liste de types d'activité économique sujets du régime juridique particulier de l'entreprise, ainsi que le volume d'investissement minimal et le statut de l'application (ou non-application) de la procédure de la zone franche. 

 

Voici les estimations que donne à la loi Youry Boldyrev: «Le crime est commis... Les allégations que notre gouvernement n'ait pas de stratégie est un conte de fées. C'est la stratégie univoque, succédant complètement aux fringantes années 90. La tâche principale est de tout louer à quelqu'un, avec des contrats à long terme pour 30-50-70 ans. Pour que le droit international, et non seulement russe, protège l'oligarchie. Et puis, une substitution totale des concepts. Par exemple, «le développement socio-économique anticipé». Quel est le lien de cette loi avec le développement socio-économique? Le développement socio-économique dans le monde moderne, c'est la Cité académique à Novosibirsk, c'est Arzamas, cette le groupe des institutions scientifiques et universitaires. Tandis que la loi se réfère à l'introduction, au fait, d'une sorte de dictature, afin de sortir de la terre quelque ressources, ou d'effectuer des procédés industriels qui sont trop coûteux et désavantageux pour l'environnement ailleurs, à d'autres conditions. Il n'y a aucune autre raison de faire quelque chose sur ce territoire. Du point de vue moral, c'est un crime contre le peuple, la mise en œuvre du programme du parasitisme sur quoi que ce soit. Ne pas créer, mais tout louer. En même temps, c'est la réalisation du programme du remplacement planifié de la population».

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Récemment, la rédaction du journal a reçu par email une vidéo. Y. S. Rybnikov, professeur agrégé, docteur en sciences techniques, analyse, apparemment devant un jeune auditoire, la loi FZ №473. Ses déterminations sont encore plus dures que celles de Boldyrev. «Ils ouvrent nos terres pour les criminels de tout niveau ... On va  rafler le terrain aux habitants autochtones. C'est l'eurofascisme dans sa forme pure, l'extermination des peuples autochtones. Et je fais appel à vous: venez à vos sens! Vous ne pouvez même pas imaginer que vous auriez les roubles, tandis que tous les étrangers dans les TOR vont vivre avec les dollars. Pensez-vous le rouble fut abaissé pour rien?» - dit Rybnikov, en commentant les différentes dispositions de la loi.

 

Ce qui suit est particulièrement préoccupant.

L'article 17, «Le statut juridique particulier pour l'activité d'entreprise et autre sur le territoire du développement socio-économique anticipé» prévoit: les tarifs de location réduits; la connexion prioritaire aux infrastructures; l'exonération des droits de douane; l'exonération de l'impôt sur la fortune et de la taxe foncière.

L'article 18, «La particularité du travail des résidents de zones développement socio-économique anticipé», stipulait: «Une permission d'embaucher des travailleurs étrangers n'est pas nécessaire».

«Les invitations à entrer dans la Fédération de Russie pour travailler... sur le territoire du développement social et économique anticipé sont délivrés sans tenir compte des quotas pour leur délivrance, établis par le gouvernement de la Fédération de Russie».

L'article 28 «Les caractéristiques de aliénation forcée des terres (la saisie des terres) et (ou) de biens immobiliers situés sur les terres, d'autres biens pour les besoins d'état» stipulait:

«La décision relative à l'aliénation forcée des terres (la saisie des terres) et (ou) de biens immobiliers situés sur les terres, d'autres biens sur le territoire du développement économique anticipé, est prise par l'organisme fédéral autorisé à la demande de la société de gestion». 

 

Voici le jugement que porte à ces dispositions Kirill Miamline (Institut du haut communautarisme). «Effectivement, on abolit le droit de propriété dans certains domaines de la Fédération de Russie, des terres et des biens seront retirées des propriétaires russes «pour la création et le développement de l'infrastructure», les étrangers pourront habiter les TOR en quantité illimitée et pendant des décennies (encore une fois, on forme un TOR pour la période de 70 ans). Ce faisant, compte tenu de l'article 17 sur les avantages d'impôt et autres, quasiment rien ne va au budget russe».

 

Initialement il était prévu, de cette façon, «d'attirer les investissements dans le développement de la Sibérie et de l'Extrême-Orient». Mais pour développer quoi et par qui? De toute évidence, les ressources minérales, les forêts, les terres, sont reportés hors de la loi fédérale dans les TOR - et même de jure ne sont plus la propriété de l'état! Ni les lois sur l'emploi et la citoyenneté ne s'appliquent pas dans ces domaines, ce qui puisse conduire, selon l'expression  de Boldyrev, au remplacement de la population. Surtout qu'en Sibérie et en Extrême-Orient d'autres façons de la «cession» des territoires existent. Au moins, ce bail à long terme des terres agricoles pour la Chine, dont notre journal avait écrit à plusieurs reprises.

***

 

«Tout ça est de la calomnie!» - déclarent les soi-disant protecteurs. Sur le site «L'avenir de la Russie - l'avenir du monde» a apparu un article analysant cette «diffamation», sous le titre révélateur «Les mensonges autour de zones économiques spéciales» (http://consensus-patrum.ru/vrane-vokrug-osobyx-ekonomicheskix-zon/) . L'auteur anonyme n'a même pas  compris que les TOR ne sont pas «des zones économiques spéciales», mais rend des conclusions catégoriques:

 

«Lors du développement du projet de loi fut prise en compte l'expérience des zones similaires les plus réussies de la région Asie-Pacifique, comme la Corée du Sud, la Chine, Singapour ... Alors qu'est-ce qui ne va pas si l'Extrême-Orient russe suit le même chemin? Pour que nos entrepreneurs puissent investir dans l'économie russe, avec la possibilité de faire des affaires sans obstacles bureaucratiques et sans corruption. Il semble que ce soit une chose importante pour la Russie, non seulement économiquement, mais aussi politiquement, parce que, en sus des avantages pour  l'économie et l'emploi, ce projet permettra d'accroître considérablement la population dans les régions de la Russie où aujourd'hui la densité de population est trop faible.

C'est apparemment pour cette raison que les ennemis de la Russie lancent cette désinformation, pour susciter le mécontentement des gens de  ce projet nécessaire pour notre pays ... Par conséquent, ne nous laissons pas nous entamer par ces crises de nerfs, parce que nos chers alarmistes aiment beaucoup mentir et gonfler les mythes d'information autour des projets nécessaires pour le pays».

 

Au juste, l’unique argument du dénonciateur. Il a ouvert la version de la loi, publiée dans «Rossiyskaya Gazeta», et n'a pas trouvé de dispositions les plus scandaleuses de l'article 18, ni de l'article 28. Donc, si elles y sont absentes, alors, les critiques ont menti - et ils sont les «agents du Département d'état des États-Unis», qui empêchent la Russie de se relever des genoux en vendant ses propres territoires.

 

Cependant, ce n'est pas vrai, pour ne pas dire davantage. Ces dispositions des articles ne sont pas fabriqués par «les agents du Département d'état»,  elles étaient telles, mot à mot, dans le projet de loi élaboré par le gouvernement de Medvedev un mois avant son adoption. Mais après la critique, afin d'enlever une grosse épine de son pied, le gouvernement a décidé de retirer les éléments les plus scandaleux de la place en vue - précisément de la place en vue et non pas retirer comme tels - pour que les personnes naïves et inexpérimentées dans les subtilités juridiques se calment, tandis que les propagandistes du gouvernement reçoivent «un argument irréfutable contre les menteurs». En fait, le concept n'a pas changé un iota, on a simplement étalé la loi sur plusieurs actes législatifs. Déjà 31/12/2014,  immédiatement après la loi fédérale №473, fut adoptée la loi fédérale №519 «Sur les modifications de certains actes législatifs de la Fédération de Russie dans le cadre de l'adoption de la loi fédérale «Sur les territoires du développement socio-économique anticipé de la Fédération de Russie». Et c'est ici qu'on retrouve toutes les conceptions saines et sauves!

 

La liste de certains actes législatifs sujets aux changements visant à assurer les activités des TOR en dit long. Ce sont les Codes, ceux du développement urbain, du travail, des terres et des forêts, le Code civil; ainsi que les lois fédérales: sur les organes législatifs et exécutifs des sujets de la Fédération de Russie; sur l'autonomie communale; sur la privatisation; sur l'assurance obligatoire; sur les étrangers; sur l'octroi de licences; sur l'évaluation des incidences sur l'environnement; sur les frais de douane et d'autres.

 

Et cette loi est en vigueur déjà presque 9 mois (depuis 30/03/2015). Pendant ce temps, neuf TOR ont été créés - dans l'oblast d'Amour, dans le kraï de Khabarovsk, au Primorie, en Yakoutie et au district autonome de Tchoukotka (les trois premiers ans, ils peuvent être créés seulement dans le District fédéral d'Extrême-Orient et dans les villes mono-industrielles). À l'heure qu'il est, ils sont dans le processus de mise en place. Mais il est déjà clair que les autorités régionales et fédérales ne sont pas du tout enthousiastes à l'idée d'annoncer les activités des investisseurs qui vont obtenir à leur disposition des morceaux friands du territoire russe - et souvent avec de bonnes infrastructures. Ainsi, Alexandre Osipov, premier vice-ministre pour le développement de l'Extrême-Orient, n'a pas voulu préciser, quels investisseurs vont travailler dans le TOR «Komsomolsk» (situé dans les villes de Komsomolsk-sur-Amour et Amoursk), et  fut quitte pour une réplique: «l'argent aime le silence». Eh bien, les artistes de toutes sortes d'affaires louches ont besoin du silence. Alors, nous risquons d'apprendre trop tard, qui est devenu propriétaire réel des villes, des terres, des forêts, des entreprises russes et peut-être, de la population locale.

 

Mais ces investisseurs-propriétaires ne viennent pas sur la terre nue et vide où on doit  commencer à partir de zéro. Par exemple, une partie du TOR «Khabarovsk» est ni plus ni moins que l'aéroport de Khabarovsk. Il y a une différence importante entre un simple investisseur étranger et un investisseur qui agit, au fond, hors du système juridique russe. Or, un aéroport est une installation stratégiquement importante, surtout dans la zone sensible de périphérie. Est-il étonnant que la société japonaise Sojitz Corporation porte de l'intérêt à cet aéroport? Pourtant, Khabarovsk est beaucoup moins éloigné du Japon, qui ne cache pas ses revendications territoriales, que de Moscou. Donc, étape par étape, on peut perdre le contrôle d'abord sur les objets stratégiques, puis sur les territoires eux-mêmes.

*** 

 

Après sa visite en Chine (où il s'agissait aussi de territoires spéciaux russes et la participation chinoise à leur «mise en valeur») Dimitry Medvedev a visité la ville maritime de Bolshoï Kamen. Dans la ville est située l'usine «Zvezda» pour la réparation de sous-marins. Le premier ministre était très pressé avec la création du dixième TOR précisément ici et s'étonnait: les spécialistes de cette usine unique, fondée en 1946, où sont-ils passés? À l'époque soviétique, ils y étaient 12 mille, maintenant n'en reste qu'un tiers. Mais à quoi s'étonner après toutes les privatisations, conversions, réformes des deux dernières décennies? On annonçait comme leur objectif le développement industriel. Le résultat fut l'effondrement et parfois la disparition des industries entières. En ce qui concerne l'usine «Zvezda», pour le moment, il s'agit des investisseurs nationaux. Mais qui empêchera d'encoffrer l'installation de défense aux étrangers, si elle bascule dans la zone légalisée hors du système juridique russe?

 

Le plus grand des TOR d'aujourd'hui, «Bering» dans la région Anadyrsky de Tchoukotka, est d'intérêt particulier. C'est la surface de 6 millions d'hectares, soit près de 10% du territoire du District autonome de Tchoukotka, septième plus grand de sujets de la Fédération de Russie. Certes, ce n'est pas le pergélisol qui intéresse la société australienne Tigers Realm Coal Ltd, mais  la houille, dont les réserves ici dépassent 1 milliard de tonnes. La loi sur les TOR lui permet non seulement mettre la main basse sur les revenus de ressources minérales russes, mais si nécessaire, chasser de ces terres la population locale clairsemée, les autochtones. Pourtant, en Tchoukotka, un régime frontalier spécial est en place, à des fins de sécurité nationale. Mais cela n'a pas retenu d'établir là-bas un TOR avec l'investisseur étranger. Et si cela constitue un obstacle, je pense, on aille facilement sacrifier le régime frontalier et la sécurité de l'état.

 

Certes, ce n'est que le début, la pierre de touche. Mais sans que le processus soit arrêté, les terres russes avec leurs richesses et les résidents peuvent simplement passer ailleurs. La Sibérie et l'Extrême-Orient font plus de 60% du territoire de la Russie. Mais rappelons qu'en moins de trois ans, les TOR peuvent apparaître partout - à la demande du chef de toute région. Comment les gouverneurs (et autres fonctionnaires) russes sont capables  d'organiser les rétrocommissions importantes et créer des communautés criminelles, est bien connu aux exemples de l'ancien gouverneur de Sakhaline et l'ancien chef de la République de Komi. Ainsi, les TOR se transforment facilement en vente aux enchères.

 

Ekaterina Pogoulieva

 

Article original La Russie soviétique (paru 24/12/2015)

 

Traduit par Olga (TdR)