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17/03/2022 (l’an réel 2031, l’an 2030 a pris fin)

 

 

N’est-il pas une parodie ? 

 

Comment la Russie, chrétienne et sainte à l’époque d’Alexandre Nevsky [1], est devenue complètement dépravée vers le XIXe siècle ? D’où vient la transformation monstrueuse ?

« ... Les lions aux portes et les corneilles aux croix », ces esquisses des rues moscovites d’Alexandre Pouchkine ne sont pas de simples vues. Si l'état-église est devenu son contraire, quelque chose est arrivé aux ecclésiastiques.

 

Dans le récit « Doubrovsky », un riche propriétaire foncier a décidé, après une querelle, de ruiner son récent ami, le voisin assez pauvre ; ni plus ni moins que le déposséder de son domaine et de sa maison. Il a soudoyé certains fonctionnaires et juges. Lorsque le pauvre voisin a écouté le verdict judiciaire, interminable et insensé, qui le dépouillait de toute propriété, il eut une crise : pendant un moment, il restait immobile et muet ; puis tapa du pied, poussa le secrétaire si fort qu’il est tombé, jeta l'encrier contre un juré et s’écria : Des chiens dans l’église de Dieu ! Les valets laissent les chiens entrer dans l’église !  Le narrateur continue : « La folie subite de l’ancien propriétaire... » Or ces paroles de folie sont apparentées à une clairvoyance.

 

Mais regardons Eugène Onéguine, le roman en vers incrusté de symboles. Deux jeunes nobles, Onéguine et Vladimir Lensky, les propriétaires des domaines voisins, sont devenus amis ; d’ailleurs, les autres voisins étaient trop ennuyeux pour Eugène. L’auteur présente Onéguine et Lensky comme des êtres humains ordinaires. Avec le premier, une vieille connaissance, l’auteur lui-même avait des conversations au-dessus de Neva ; le deuxième, le poète de dix-huit ans revenu d'une université allemande, est toujours une âme pure, malgré la science. Les deux personnages ont des noms « fluviaux », relatifs aux cours d’eau. Et Onéguine joue dans le roman un rôle de démon (comme Cléopâtre dans Les nuits égyptiennes).

 

Они сошлись. Волна и камень,

Стихи и проза, лед и пламень

Не столь различны меж собой.

 

Ils se retrouvent. L'onde et la pierre,

La flamme et la glace, la prose et les vers

Sont moins différents entre eux.

 

L’esprit démoniaque est entré en collision avec l’esprit pur. C’est la collision préparée en Russie depuis le moyen âge et devenue brutale depuis le XVIIIe. Bien sûr, l’esprit démoniaque a tué l’esprit pur. Onéguine a provoqué un duel et a tué Lensky.

 

Mais avant le duel, Tatiana a vu leur nouveau voisin Onéguine et est tombée amoureuse. Chère Russie (Tatiana), « je verse des larmes avec toi, tu as donné ton destin au tyran de mode, tu périras, chérie ». Et plus loin, la mode est appelée « tyran » et « maladie ».

 

À la veille du festin et du duel fatal, la jeune fille dort et voit un rêve. Le songe prémonitoire désigne le destin de la Russie.

 

Elle va à travers un champ de neige, et voici un cours d’eau turbulent qui ne gèle pas, elle le regarde comme une séparation malencontreuse ; il n’y a que deux planches minces agglutinées par la glace pour franchir le ruisseau, et personne à tendre la main. Mais tout à coup, une congère a bougé, un grand ours est sorti, gronda et lui a tendu sa patte aux griffes acérées. Effrayée, elle s'est appuyée sur la patte et a traversé le ruisseau à pas craintifs. Elle va plus loin et l’ours la suit ! Elle va par les bois en s'enlisant dans la neige, les rayons des luminaires de nuit traversent les sommets des arbres. Il n’y a pas de chemin, tout est enneigé.

 

Le laquais velu la poursuit, elle essaye d’aller plus vite et enfin tombe, épuisée. L’ours l’a prise et la porte plus loin par un chemin de forêt ; et tout à coup, parmi les arbres, une pauvre cabane avec une fenêtre éclairée, d'où l'on entend un bruit et des cris. L’ours mit la fille au seuil et dit : mon compère est là, réchauffe-toi un peu chez lui !

 

L’ours disparut ; elle est à l’entrée ; derrière la porte, des cris et le cliquetis de verres, comme aux grandes obsèques. Elle regarde à travers la fente et qu’est-ce qu’elle voit ? Des monstres autour de la table, des esprits follets de tout poil. Et avec eux, Onéguine, qui regarde furtivement la porte. Il est le maître ici, c’est clair. Et Tatiana, maintenant curieuse, entrouvrit la porte.

 

Un coup de vent soudain abaissa le feu des lampes nocturnes ; la bande de lutins du foyer est troublée ; Onéguine, les yeux brillants, sort de table, tout le monde se lève ; il se dirige vers la porte.

 

Tatiana a peur, elle essaie de s’enfuir, mais c’est impossible, elle veut crier et ne peut pas ; il ouvre la porte – et la fille est révélée aux fantômes infernaux. Le rire farouche retentit, tous crient : « c’est le mien, à moi ! » Onéguine coupa net : « C’est à moi ! » Et soudain, toute la bande disparut. Le jeune fille est seule avec lui dans l'obscurité froide…

 

Онегин тихо увлекает
Татьяну в угол и слагает
Ее на шаткую скамью
И клонит голову свою
К ней на плечо; вдруг Ольга входит,
За нею Ленской; свет блеснул;
Онегин руку замахнул
И дико он очами бродит,
И незваных гостей бранит;
Татьяна чуть жива лежит.

 

Спор громче, громче; вдруг Евгений
Хватает длинный нож, и вмиг
Повержен Ленской; страшно тени
Сгустились; нестерпимый крик
Раздался... хижина шатнулась...
И Таня в ужасе проснулась...

Onéguine amène doucement
Tatiana au coin et la couche
Sur un banc branlant
Et incline la tête
Sur son épaule ; tout à coup, Olga entre,
Lensky la suit ; un éclair brilla ;
Onéguine lève la main,
Furieux, les yeux errants,  
Et gronde les hôtes indésirables ;
Tatiana est à peine vive.

 

Le dispute s’échauffe ; tout à coup,
Eugène saisit un long couteau,
En un instant, Lensky tomba ;
Une ombre épaisse descendit ;
Un cri atroce retentit ; la cabane s’ébranla...
Et Tania, terrifiée, se réveilla...

 

Olga est la sœur cadette, et Lensky, son fiancé. Le nom est peut-être lié au nom de baptême Elena de l’initiatrice de la Russie chrétienne, la princesse Olga.

La scène finale du rêve de Tatiana rappelle la fin de ce siècle selon le Nouveau Testament.

 

Et l’ours, c’est l’Église ! Ce grand chapeau, cette coiffe pompeuse importée de Rome à travers la Byzance, celle qui a fait disparaître l’église. Au début, l’Église a aidé la Russie à passer le gouffre païen... uniquement pour l’amener en définitive chez le compère.

 

Onéguine est parti pour un long voyage. Tatiana se promenait et de la colline, elle a vu un manoir... et vient passer chez lui. Une vielle servante lui a montré la maison. Elle voit le cabinet d’Onéguine, une pièce à la mode. Ensuite elle visite la maison de temps en temps pour lire les livres préférés d’Eugène. Dans les livres, elle regarde avec attention les traits et les marques, les notes en marge ; maintenant elle comprend mieux l’âme de leur maître. Elle se demande : qui est-il, cet ange, ce démon arrogant ? Une imitation, un simulacre des manières d'autrui, un vocabulaire complet de mots de mode ? N’est-il pas une parodie ?

 

Bien sûr, il est une parodie, le démon changeur de masques, le maître du monde trompeur qui a mis la vérité à la porte. Il a fabriqué une caricature de la justice et des fétiches qui sont vénérés aussi aveuglément que les anciens dans l’antiquité.

 

L’amour tardif et désespéré d’Onéguine pour Tatiana mariée et inaccessible traduit le tourment de l’âme qui a rejeté l’amour Divin. La jeune fille modeste lui exprima autrefois son amour, mais à l’époque, Eugène préférait une pose de mélancolie élégante et sa liberté qu’il appellera plus tard dégoûtante.

 

Ainsi, l’Esprit dit : viens, le fils égaré (ou la fille), viens, que le Père t'accueille avec joie !

« Et le bonheur était si proche, si accessible... »

 

 

Olga (TdR)